La rédaction d'un certificat médical

Caen,    le 25 juin 2018

Chères Consœurs, Chers Confrères,

        Nous vous adressons ce courrier car, depuis quelques mois, le Conseil reçoit régulièrement des plaintes émanant de sociétés appuyées par leur avocat. En effet, et de façon récurrente, sont produits, dans des procédures prudhommales, des certificats médicaux (avis d’arrêt de travail voire même courriers entre confrères) sur lesquels il est fait mention de « soucis professionnels », « harcèlement moral ou professionnels » …...

        Il faut rappeler la plus grande vigilance dans la rédaction des certificats : le médecin ne doit certifier que ce qu’il a, lui-même, constaté. S’il apparait important de signaler les possibles soucis professionnels, il convient, comme dans un certificat de constatation de coups et blessures ou dans les procédures de divorce, d’écrire : « selon les dires du patient » et d'employer le conditionnel.

        Nous avons décidé de vous écrire car le nombre de plaintes, quel que soit le mode d’exercice (salarié, hospitalier, libéral) « explose » : 1 à 4 par mois ! 

        Si, dans la majorité des cas, le retrait du certificat permet le retrait de la plainte, cela ne nous met nullement à l’abri d’une plainte du patient qui se sentirait lésé par le retrait du certificat. 

        En cas de doute, n'hésitez pas à nous solliciter pour un conseil.

        Espérant que cette information permette d’éteindre cette épidémie procédurière, nous vous prions de croire, Chères Consœurs, Chers Confrères, en l’assurance de mes salutations bien confraternelles.

        Le Président       Dr Gérard HURELLE




La rédaction d’un certificat médical : une pratique à haut risque


Une très grande part des plaintes et des doléances que nous recevons, et une très grande part des affaires jugées à la Chambre Disciplinaire de Première Instance, reposent sur des contestations de certificats médicaux.
En effet, le médecin qui rédige un courrier médical ou un certificat n’est pas toujours conscient des enjeux juridiques. Qu’il s’agisse d’un échange entre médecins, d’un certificat remis au patient, ou d’un formulaire d’arrêt de travail, le patient pourra l’utiliser dans le cadre d’une action devant les tribunaux.
Il convient donc de rappeler que ces certificats doivent être rédigés avec toute l’attention, la rigueur, et la prudence nécessaires puisqu’ils engagent la responsabilité du médecin.

Quelques mises au point, basées sur les recommandations du Conseil National de l’Ordre et, surtout, sur notre expérience des litiges liés aux certificats :
 

Accepter ou non de rédiger le certificat

L’établissement des certificats médicaux est une des fonctions du médecin et il ne peut s’y soustraire que pour des raisons précises. C’est au médecin d’apprécier s’il y a lieu ou non de délivrer le certificat.
 

On accepte :

les certificats exigés par les lois et les règlements (accidents du travail, application des lois sociales, etc...).

On n’accepte pas :

les demandes abusives, injustifiées (dispense du port de la ceinture de sécurité pendant la gros- sesse...), inutiles ( justification d’absence scolaire en dehors des cas de maladies à déclaration obli- gatoire...), les certificats dits « de complaisance ».

Les conditions de forme

L’identification du signataire et la signature sont indispensables pour conférer à tout acte une valeur probante.
 

On fait :

la rédaction du certificat sur une ordonnance ou sur un papier libre où doivent figurer le nom, le prénom, l’adresse professionnelle et le numéro d’inscription au tableau du praticien.

un certificat lisible et daté, avec une signature manuscrite au stylo ou au feutre.

On n’accepte pas :

un certificat antidaté ou postdaté, une signature manuscrite au crayon ou au porte mine, un cer- tificat « signé » par un cachet ou un fac similé de signature.

L’examen clinique

L’établissement d’un certificat est un acte à part entière de l’activité médicale.
 

On fait :

un examen clinique soigneux et attentif.

On ne fait pas :

de délivrance d’un certificat sans avoir vu et examiné la personne dont il s’agit, en particulier en se fondant sur les dires d’un tiers.

La rédaction

Le médecin est libre de la rédaction du certificat,mais celui ci doit être parfaitement objectif.
 

On fait :

un certificat détaillé et précis, rédigé à l’indicatif présent, relatant les constatations faites lors de l’examen, avec, selon les cas, une description précise des lésions traumatiques (après accident ou agression) ou des symptômes ou comportements pathologiques (pour les certificats d’internement par exemple).
Le médecin qui rédige un courrier médical ou un certificat n’est pas toujours conscient des enjeux juridiques.

Le médecin est libre de la rédaction du certificat, mais celui ci doit être parfaitement objectif.

Cependant, un certificat peut être délivré
à l’autorité requérante en cas de réquisition judiciaire ou aux responsables légaux pour les mineurs ou les majeurs protégés.

On ne fait pas :

indiquer ce qui n’est que probable, effectuer des omissions dénaturant les faits, rapporter comme certaines les indications fournies par le patient, attribuer la responsabilité des troubles de santé, psychiques ou physiques constatés au conflit conjugal, familial, ou professionnel mentionné par le patient, authentifier, en les notant sur le certificat, les accusations du patient contre un tiers, remettre à un des parents ou à un tiers un certi- ficat tendant à modifier le droit de visite ou de garde d’un enfant.

Le secret médical

Le médecin qui rédige un certificat doit se préoc- cuper de ne pas violer le secret professionnel bien qu’il puisse, en droit, tout écrire du moment que le document est remis directement à la personne concernée.
 

On fait :

sans problème, les certificats qui ne donnent qu’une conclusion sans mention de diagnostic (« X a besoin de tant de jours de repos, Y doit être transporté en ambulance, Z ne peut pas se déplacer.... »), ou les certificats pour accident du travail, maladie professionnelle, demande de pension, qui instituent une dérogation légale au secret professionnel.

On ne fait pas :

de certificat sans prendre en compte les éventuelles réactions du patient si le certificat constitue pour lui une révélation traumatisante, ni sans prendre en compte la destination du certificat.

de remise du certificat à un tiers, quel que soit ce tiers : ami, voisin, adversaire, administration, avocat, compagnie d’assurances, famille, etc ... Le conjoint doit être considéré comme un tiers.
Cependant, un certificat peut être délivré à l’autorité requérante en cas de réquisition judiciaire ou aux responsables légaux pour les mineurs ou les majeurs protégés.

Vie personnelle et privée

 

On fait :

sur papier libre, sans en-tête professionnel, les attestations, déclarations ou témoignages destinés à être produits en justice, qui sont demandés en qualité, non de médecin, mais de simple citoyen.

On ne fait pas :

sa correspondance personnelle ou privée sur un document à en-tête professionnel ce qui pourrait prêter au courrier le caractère d’un certificat ou d’un témoignage médical.

Quelques conseils

Lorsqu’une personne s’adresse à un médecin pour certifier son intégrité physique ou mentale, celui-ci doit éviter d’affirmer, après un examen négatif, que la personne « est en bonne santé », il est préférable d’écrire « Je n’ai pas constaté, ce jour, de signes d’affection cliniquement déce- lables. Il (elle) semble en bonne santé ».

Si le médecin rapporte des indications fournies par le patient, il doit le faire avec la plus grande circonspection, employer le conditionnel ou dire « X me dit que... ».


On fait :

sur papier libre, sans en-tête professionnel, les attestations, déclarations ou témoignages destinés à être produits en justice, qui sont demandés en qualité, non de médecin, mais de simple citoyen.

On ne fait pas :

sa correspondance personnelle ou privée sur un document à en-tête professionnel ce qui pourrait prêter au courrier le caractère d’un certificat ou d’un témoignage médical.


 

Exemples

« J’ai examiné une personne disant s’appeler X et avoir été victime d’un accident de la voie publique. Il aurait perdu connaissance environ dix minutes lors de cet accident. Je constate les signes d’une contusion du genou droit, nécessitant une radiographie, une plaie de la face externe de la jambe droite, longue de quatre centimètres...etc... »

Et surtout pas :

« J’ai examiné ce jour X, victime d’un accident de la voie publique. Il a perdu connaissance... etc... »

Ou

« J’ai examiné ce jour l’enfant Y, amené par sa mère pour douleurs abdominales.Lors de la consultation, Y était agité et pleurait. J’ai constaté un abdomen souple...etc... ».